En 2015 nous (Union professionnelle belge des médecins spécialistes en Neurologie) avions lancé un cri d’alarme: Neurologie en détresse: la neurologie est une discipline en pénurie depuis des années. Il y avait une pénurie criante de neurologues et à l’époque nous en avions déterminé les causes. 5 ans plus tard, où en sommes-nous?
Avant de faire le bilan, examinons l’évolution de la neurologie au cours des 10 dernières années.
Les différentes sous-disciplines se sont rapidement développées.
Voici une vue d’ensemble de celles-ci avec leurs pathologies principales.
Troubles neurocognitifs: démence
Troubles moteurs : maladie de Parkinson
Affections cérébrovasculaires : AVC
Maladies et infections neuro-inflammatoires: sclérose en plaques, méningite
Troubles de la conscience: épilepsie, troubles du sommeil
Mal de tête : migraine
Neuro-oncologie : tumeurs cérébrales en collaboration avec la neurochirurgie
Neuro-traumatologie : en collaboration avec la neurochirurgie
Maladies neuromusculaires
Certaines de ces sous-disciplines se sont développées au point de devenir des spécialités à part entière.
Le développement de ces sous-disciplines requiert de la part du neurologue une formation continue intensive. Le jeune neurologue sera progressivement amené à choisir une sous-discipline spécifique outre sa formation en neurologie générale. L’époque où le neurologue général maîtrisait l’intégralité de la neurologie est révolue. Dès lors, les neurologues se doivent de collaborer au sein d’associations.
Par conséquent, les collaborations avec les services neurologiques des autres hôpitaux au sein d’un réseau deviendront essentielles, en particulier pour les petits services.
Aujourd’hui, cette réalité est déjà d’actualité dans le traitement des AVC. Comme les thrombectomies ne peuvent avoir lieu que dans un nombre restreint d’hôpitaux spécialisés disposant d’une expertise suffisante, des réseaux régionaux ont été constitués. Etant donné que le nombre de centres traitant la thrombectomie est limité à 13 en Belgique, ces réseaux thrombectomiques dépassent les 25 réseaux hospitaliers prévus par les autorités. Tout cela nécessitera une concertation accrue entre les services neurologiques au cours des prochaines années.
Le développement de la neurologie intègre de plus en plus le secteur thérapeutique:
Les thérapies cellulaires et géniques qui nous attendent vont à l’avenir profondément modifier l’approche de nombreuses maladies neurologiques. Par exemple les maladies héréditaires comme la maladie d’Huntington pourront être traitées.
Les toutes dernières découvertes dans le domaine de la pathogenèse des affections neurodégénératives apporteront des traitements qui influencent le processus pathologique. De plus, on note aussi une évolution dans le domaine de la neuromodulation où une stimulation adaptée et dirigée du système nerveux central introduira de nouveaux traitements contre l’épilepsie, la maladie de Parkinson etc.
Pour les différentes maladies neurologiques, l’approche de la réadaptation a évolué: réadaptation adaptée après un AVC, écoles de Parkinson, réadaptation transmurale pour la SEP, réadaptation spécifique pour les troubles musculo-nerveux en concertation avec les centres de référence neuromusculaires... tout cela se déroule désormais dans un cadre multidisciplinaire où le neurologue tient un rôle prépondérant et stimulant.
L’ensemble de cette évolution a pour conséquence une forte augmentation de la charge du neurologue. La formation continue, les soins aux patients gravement malades et un service de garde pesant en sont quelques aspects.
Cette situation entraîne une augmentation de la demande de neurologues. Il faut former plus de neurologues pour répondre à cette demande. Au cours de la formation de base, il faut encourager les candidats spécialistes à choisir la formation en neurologie et prévoir suffisamment de places dans cette formation. Bien entendu, il est essentiel et nécessaire que ces centres de formation soient d’un haut niveau.
Au cours des 10 dernières années, l’union professionnelle a présenté ce thème à plusieurs reprises auprès de différentes instances (chefs de service des hôpitaux universitaires, facultés de médecine, INAMI, ICURO et SPF Santé publique).
En outre, comme indiqué ci-dessus, les services neurologiques doivent collaborer ensemble au sein d’un réseau afin de réaliser au mieux les sous-disciplines. De plus, dans le cadre des nouveaux développements thérapeutiques, une collaboration étroite avec les centres universitaires est indiquée. Il importe que cette collaboration se déroule d’une manière efficace et harmonieuse, et que le neurologue référant non universitaire continue à accompagner le patient. Une centralisation exclusive des pathologies dans des centres universitaires est à cet égard exclue.
Par ailleurs, les neurologues ont besoin d’être assistés par des infirmiers spécialisés. Les formations d’infirmier spécialisé en maladie de Parkinson, sclérose en plaques et AVC doivent continuer à se développer. Une rémunération équitable doit être assurée pour ces infirmiers.
Ainsi, de nombreux défis nous attendent mais c’est aussi ce qui fait de la neurologie une discipline passionnante promise à un bel avenir. Cependant, il importe que notre spécialité reste financièrement attrayante. Cela n’est possible qu’en valorisant suffisamment notre profession sur le plan financier. A cet égard, il est essentiel d’honorer plus particulièrement l’acte intellectuel.
Bien entendu, des honoraires justes restent aussi nécessaires pour les prestations techniques en neurophysiologie clinique et neurosonologie. Pour cette dernière spécialisation, il importe aussi que le neurologue ait un accès suffisant pour pouvoir effectuer l’évaluation échographique du système nerveux musculaire
Les honoraires du neurologue doivent certainement être au même niveau que ceux des autres spécialités. Cela n’a pas été le cas au cours des dernières décennies.
En tant qu’union professionnelle, nous demandons pour tout cela le soutien des syndicats et des autorités afin d’étayer et concrétiser cette revendication.
Cependant, nous vivons actuellement en des temps incertains. Les répercussions de la pandémie de la COVID ne sont pas encore claires. Durant le confinement, les AVC, les thrombolyses et les thrombectomies ont diminué. Les traitements de la SEP, la réadaptation après un AVC et celle des patients atteints de la maladie de Parkinson ont été réduits, ce qui a eu des conséquences défavorables sur l’état clinique de ces patients. En tant qu’union professionnelle, nous souhaitons mener une enquête pour évaluer concrètement ces conséquences.
Hormis une dégradation du nerf olfactif, les dommages directs du SARS CoV-2 sur le système nerveux semblent limités jusqu’à présent. Cependant, nous restons méfiants face aux complications neurologiques de cette maladie. Ces données nous permettront en partie d’orienter une politique plus adaptée dans le futur
Sur ce dernier point, les téléconsultations se révèlent une aide précieuse et un progrès. Certaines pathologies comme les maux de tête, en particulier les migraines, peuvent être suivies grâce aux téléconsultations. Pour le suivi des maladies nécessitant un examen clinique, les techniques télévisuelles peuvent être envisagées. Ici, le problème consistera à établir une bonne connexion vidéo entre le neurologue et le patient. Ces consultations par vidéo interposée méritent des honoraires décents, comparables aux honoraires actuels de la consultation neurologique.
Ceci clôture cet aperçu de la situation de la neurologie et l’esquisse des défis auxquels nous sommes confrontés.
Erwig Van Buggenhout
Président de l’Union professionnelle des médecins spécialistes en Neurologie